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6 août 2012 1 06 /08 /août /2012 19:27

Nos chemins suivent un imprévisible tracé, qu'on découvre pas à pas. Quelquefois, on se surprend à penser, qu'on était attendu(e) à cette croisée des chemins, que quelque chose d'essentiel est arrivé à notre voyage...

 

Les événements, les êtres, tout suit une mystèrieuse logique.

Quelqu'un quelque part, pas tout le monde, pas n'importe qui, mais certains points, certains êtres. On le ressent en soi, profond et confus en même temps :

et on se dit, ici avec cette personne j'avais rendez-vous...

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16 septembre 2011 5 16 /09 /septembre /2011 15:34

Arrêt sur image


Rien ne bougeait. Un silence cotonneux envahissé la salle du restaurant. On aurait dit que la vie même retenait sa respiration.
De la fenêtre, des hommes fixaient leur regard sur le paysage endormi.
Certes, les premières neiges avaient blanchi la ville, mais ce n'était pas la neige qui les hypnotisait au point d'arrêter leurs mouvements, ni l'absence des clients. Nous étions loin encore de l'heure du déjeuner.
Non. Il y avait quelque chose...ou quelqu'un qui retenait toute leur attention.

C'était un vendredi...je crois. Une ivresse de neige dansait sur les larges baies vitrées. Au loin, on pouvait distinguait la silhouette d'un homme, arrivant dans la ville au bout de sa fatigue. C'était un homme sans bagage qui semblait venir de nulle part. Il portait un ample manteau, une besace de couleur sépia, et surtout une échelle immense sur l'épaule.
On pouvait même entendre la voix du vent qui l'accompagnait à la cadence de son pas. Parvenu au milieu de la place, l'inconnu s'immobilisa. Quelques oiseaux qui l'avaient précédé, l'attendaient sur son passage. Il déchargea l'échelle de son épaule fatiguée, la dressa avec effort, puis leva vers les hauteurs un regard bleu interrogateur. Les derniers échelons se perdaient loin dans les nuages.

L'homme grimpa sur son échelle. A mi-chemin, il s'arrêta pour reprendre souffle et pour entendre le vol des oiseaux près de lui. Aucun oiseau autour de sa main. Il était déjà très haut. Il reprit son ascension vers le ciel, puis posa contre une sphère ronde son échelle. Là il sortit de sa besace pinceaux et couleurs, se mit à frotter la surface peinte avec allégresse et une lueur apparut, puis deux, puis trois...
Son visage fut éclairé. La ville retrouva ses gestes et ses couleurs.

L'inconnu était  peintre des étoiles.

 

Agnès C.

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15 septembre 2011 4 15 /09 /septembre /2011 19:52

Un mot au hasard : hasard

 

- Choisis un mot au hasard !

- Comment peut-on choisir au hasard ? C'est impossible puisque choisir est un acte volontaire ! Ce sont des termes antonymes, hasard et choix !

- Mettons que ce soit le hasard qui guide  un choix, alors !

- Tu sais que c'est un mot d'origine arabe "az-zhar" ? Il signifie "les dés". Le hasard sonne comme bizarre ! Dès qu'on fait référence à lui, quelque chose d'imperceptible s'installe en soi, qui mettrait presque mal à l'aise. Comme si s'en remettre au hasard était faire l'aveu de sa faiblesse ou de sa démission.

- Pourtant, certains se fient au hasard !

- Ceux-là sont les curieux, les aventuriers, les expérimentateurs, les amoureux du renouveau ou de la diversité... Ils ne font pourtant rien de plus à leur tour qu'avouer leur propre incapacité à créer eux-mêmes...

- S'en remettre au hasard, c'est donc démissionner pour toi ?

- Parfois, oui !

- Et quand on n'est pas dans ce "parfois" ?

- Par foi aussi on prononce le mot hasard ! Quand le hasard est l'univers ou bien Dieu, qui organise les choses à notre insu, en faisant peu à peu se regrouper les éléments, les influençant ou influant sur eux pour qu'ils convergent jusqu'au surgissement de l'événement...

- Somme toute, nous appelons hasard ce que nous ne connaissons pas de notre destinée !

- Sans doute pour ça qu'on raconte que le hasard fait souvent bien les choses !

- Gaspard, tu sors ? Où vas-tu ?

- Voir si je peux faire une rencontre de hasard !!!

- Tu ne trouveras personne !

- Pourquoi ?

- Parce que le hasard n'est pas une rencontre, mais un arbre !

- ...

- Ne dit-on pas "le fruit du hasard" ? Donc, le hasard est un arbre !
Il ne te reste plus qu'à trouver où il pousse, à présent !

- Dans ton imagination, Balthazar !!!!

 

A.C

 

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 13:11

Il y avait autrefois en haut d'une colline  une maison surplombant le village, Chichoutami, où vivaient Kiko et Kika. Chaque mercredi Kika qui aimait cuisiner , préparait pour son époux et tous les enfants des alentours de délicieux gâteaux.

Un jour, elle eut envie de cuisiner du  pain d'épice et de cannelle. Bientôt sous ses doigts orangés, apparut une  petite fille  qui souriait  et  qui fredonnait . Kika resta éberluée ne comprenant pas ce qu'elle vivait. Elle devait être tombée sur la tête. Elle continua à décorer le biscuit, posa des boutons  de rose sucrée, lui fit  une capeline en sucre d'orge et pâte d'amande. Puis le mit à  cuire au four.

Kika s'installa dans un fauteuil près de la fenêtre puis s'assoupit, quand tout à coup elle entendit quelqu'un frappait à la  porte du four. Elle se leva, ouvrit  celui-ci pour voir  si le biscuit de pain d'épice était  cuit. Il devait l'être, car il dévala le four, traversa la cuisine et s'enfuit par la porte  ouverte.

- Arrête-toi, biscuit, lui cria Kika, arrête-toi...

- Je ne suis pas un biscuit, d'abord. Je m'appelle Mina et c'est toi qui m'as faite. Tu m'as donné deux jambes, deux bras, un visage. Tu m'as habillée, coiffée et tu voudrais que je reste là à me faire croquer. On n'offre pas la liberté pour la reprendre.

- Kika abassourdie tomba sur les fesses. Un... biscuit... qui philosophe ????


 

Mina franchit la grille du potager où Kiko soignait ses légumes et s'enfuit à toutes jambes.

Kika continua de l'appeler, Kiko qui avait vu la scène, lâcha son arrosoir et se mit à courir.

 

- Jamais vous m'attraperez ! Jamais...chanta-t-elle d'une mine réjouie...

Mina courait, courait, s'enroulait dans les herbes de la prairie, elle entendait encore les appels de Kika et de Kiko., quand sur son chemin,, un hérisson vint à son secours :

 

- Pschi, pschi....Viens te cacher dans le bosquet !

- Qui es-tu ?

- C'est moi, Kalimérho. Comme toi, je me suis un jour échappé de la cuisine. On m'avait mariné au chocolat pendant plusieurs jours, tout ceci pour être mangé à Pâques.

Je connais un endroit où nous pouvons être plus tranquille...Si tu es d'accord, rejoins-moi ici à la tombée de la nuit, mais pour le moment, ne me pose pas de questions...Si tu viens ce soir, je te mènerai à la Roche de la Riveau, où vit Isis...

 


 

A.C

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13 août 2011 6 13 /08 /août /2011 10:10

L'eau de là est une enfant. On se penche sur elle, on lui tend la main. On se perd à force de l'aimer. Pour l'écouter, il fait si bon  s'asseoir, s'étendre sur ses rives, laisser ses doigts caresser sa robe transparente.

D'une parole cristalline, elle nous conte sa naissance, fredonne l'herbe rase, la chanson de l'écir, la danse de la pluie et la pente charmeuse.

A l'adolescence, le ruisseau des cimes gronde comme un torrent, annonce sa venue dans un verbe d'écume et un déluge de mousse.

Tourbillon, cascade, l'eau se découvre, cherche sa voie dans une fougue trompeuse. Elle masque sa peur de la vallée et de la fuite vers des terres inconnues.

Devenue femme, elle les rencontrera :

Le pêcheur qu'elle gâtera au gré de ses humeurs mais aussi le bâtisseur. Il dressera sur elle des ouvrages pierreux, dégagera les bords pour mieux l'apprécier, cheminera dans sa sinuosité. Mais elle continuera sa route égrenant son solfège, son alphabet, articulant toutes les voyelles d'un univers à apprivoiser, les pieds incroyablement sur la terre.

Tantôt étoile.

Tantôt satellite.

 

A.C

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31 juillet 2011 7 31 /07 /juillet /2011 16:45

La bague

 

D’ordinaire, la maison grince.
Chaque pas sur le parquet vous conduit vers une latte dont le grognement, tantôt rauque et menaçant, tantôt aigre et moqueur, procure au visiteur l’illusion de passer comme au travers d’une partition familière.
Mais aujourd’hui, elle demeure muette.
Dans le salon, la télévision parle toute seule et, du fond de la cuisine, les secondes, comme de larges gouttes d’huile, tombent lourdement de la pendule. Le chat se frotte à son bol vide en lançant vers les murs imprégnés de relents d’encaustique et de soupe froide, un long miaulement râpeux.

Là-haut, dans sa chambre, Juliette ne l’entend pas. Elle a tiré les volets sur les cigales, sur cette chaleur accablante, et fouille ses tiroirs avec avidité. Ses doigts, comme concentrés sur un délicat point de tricot, piochent dans le bric-à-brac conservé là au fil des ans. Avec une gravité émue, elle déloge les souvenirs, les sépare les uns des autres. Je prends. Je laisse. Ah ça oui. Ah ça non. Parfois, à la manière de ces brindilles portées par le fleuve et qui s’accrochent un court instant aux herbes folles de la rive avant de se laisser emporter à nouveau, elle s’attarde sur une babiole. L’espace d’une seconde, sans lutter, elle se laisse rejoindre par les morts, le père, l’époux, un frère, avant de reprendre, sans une larme, sans même un soupir, l’impitoyable tri.
Car le temps presse.

Derrière les volets, il est midi, le soleil fond sur les tuiles et les cigales continuent de limer la pierre. Sur le lit, la valise en carton bouilli baille d’ennui quand Juliette trouve, niché au fond d’un tiroir, un de ses cahiers d’écolier. L’écriture, impeccable et penchée vers la gauche, ne trompe pas, c’est l’un des siens. Elle l’approche de son petit nez taché de son et le renifle. Odeurs de craie et d’encre morte. Parfums d’autrefois, du temps béni des cartes d’histoire, accrochées aux murs, où s’étalaient, menaçantes, les hordes de barbares, wisigoths et burgondes ; de cette enfance paisible et calée dans les effluves de cuivre des vieux manuels de grammaire. Juliette vibre de toute son âme. Charles Martel arrête les Arabes à Poitiers. La Loire prend sa source au mont Gerbier des Joncs. Sept fois trois vingt et un. Elle se revoit sur l’estrade, les mains sagement croisées dans le dos, vibrante d’une retenue fragile et touchante, récitant, les yeux au plafond, Waterloo, Waterloo, morne plaine, d’une voix dans laquelle pointait, de temps en temps et toujours brièvement, un brin de timidité, qu’accentuait la solennité de la besogne.
Quel âge a-t-elle aujourd’hui ?
Je pose deux, je retiens un. Punaise, tant que ça ! Elle recompte, pour être bien sûre, mais aucun doute possible, le temps est passé comme une porte qui claque.
Elle soupire, ses côtes la font souffrir. C’est encore frais. Sa chute remonte à plus d’une semaine, mais la douleur qui se noue en elle est fraîche et vorace.
Ça aurait pu être pire, songe t-elle en se redressant. Si le voisin, au fond de son jardin, ne l’avait pas entendue crier, peut-être y serait-elle encore, coincée comme une tortue sur le dos… Rien que d’y repenser, elle marmonne. Et l’autre, là, le voisin, si attentionné, si gentil, elle l’entend encore, avec sa voix mielleuse… Ce n’est pas prudent de rester toute seule, Madame Juliette. Vous auriez pu vous tuer, ce coup ci ! Je sais bien que vous n’allez pas être contente mais tant pis, je préviens votre fils…

Je préviens votre fils. Je préviens votre fils. Elle se l’est répétée, cette phrase, comme on s’étonne d’une sentence sans appel… Et qu’est-ce qu’il fera de plus, mon fils ? a t-elle marmonné des jours durant, en dodelinant de la tête.
Pourtant, aux vieilles femmes qu’elle croise aux enterrements, elle parle de lui comme d’un grand monsieur, avec une gentille petite famille et une situation pour laquelle – il le dit lui-même avec beaucoup de gravité – il sacrifie énormément. Il sait un tas de choses, sur les autres pays, sur les autres gens et bien entendu, il a une réponse à tout. C’est un homme…
Au téléphone, l’autre soir, par exemple, il n’avait même pas l’air inquiet. Simplement pressé. Il arrivait du travail. Repartait en réunion. Il a juste dit, d’une voix claire : Maman, je t’ai trouvé un endroit où tu seras très bien…

Les cigales ne s’essoufflent pas. Et tandis qu’impassibles, elles s’affûtent sous le soleil, Juliette jette son dévolu sur ses breloques. Mais les bestioles ne couvrent pas le bruit de la porte, en bas, quand elle s’ouvre sur le fils. Et la vieille femme qui n’a pas peur, comme elle entend les pas de son rejeton dans l’escalier, sent pourtant que se resserre sa gorge.
L’air lui manque. Elle panique.
C’est de sa faute. Elle n’est pas prête.
Et le temps presse.

Il entre et il sourit. Ce n’est pas bon signe. D’ordinaire, son visage ne plaide que pour l’ordre et la raison. Et comme, dans un geste d’impatience machinale, il consulte sa montre, furtivement, elle perçoit son irritation.
- Tu es prête ? demande t-il en la fixant droit dans les yeux.
Une question idiote.
- Presque, répond-elle en se surprenant à éviter le regard du garçon auquel elle a donné la vie.


Et elle s’active à nouveau, je prends, je laisse, mais sans flâner, cette fois. Son fils l’observe, la jauge. Il ne dit rien et c’est encore pire que s’il parlait. La vie n’a, pour lui, on le devine, rien d’une plaisanterie, elle n’est qu’un laborieux jeu de construction.
- Tu seras bien mieux là-bas, dit-il au moment où déboule dans la chambre sa fille. Camille.
Juliette jette à sa petite-fille un regard désolé. Dans ses grands yeux gris se profilent les barreaux de la belle pension, les parterres tirés au cordeau, les plantes vertes en plastique et la fontaine en stuc. Un chien à se partager entre 80 pensionnaires, des gélules matin, midi et soir et deux gouttes de mousseux tiède pour Noël. Je serai mieux là-bas, bougonne t-elle, pour se rassurer.
Et quand elle relève la tête, la gamine est plantée devant elle. C’est une petite peste avec, sur le nez, les joues, comme dispersées à la volée, de pleines poignées de taches de rousseur. Ses petites lèvres sont closes, elle semble attentive et savante mais c’est une petite fille volontaire dont le regard, dans les tons noisette, soutient sans faillir celui pourtant paisible de sa grand-mère.
- Dis, Mamet, tu me la donnes, ta bague ? Tu sais, la petite…
Juliette ferme les yeux. Raisonne son cœur qui s’est brusquement mis à cahoter. Cette bague de rien, dont l’anneau s’est usé à force d’être porté, c’est un cadeau d’Alexandre, son époux. C’est juste de la tendresse montée sur une misère, trois fois rien, mais elle y tient comme à la prunelle de ses yeux. Qu’est-ce qu’il lui reste ? Elle laisse derrière elle, sous un soleil de toujours, la maison, les oliviers, les cigales. Elle abandonne les touffes de lavande, le chat et les livres. Alors, en se forçant à sourire, elle cherche les mots pour dire non, gentiment. Sans rabrouer la gamine. Pour rester jusqu’au bout la gentille Mamet. Elle s’y perd, bredouille et le fils en profite pour regarder sa montre. Deux fois. Trois fois. Le temps presse. Elle sent qu’elle va pleurer et parce que le fils s’est redressé, elle frissonne.
- Écoute maman, dit-il de sa belle voix posée, tu ne vas pas en faire une histoire. Donne la lui, cette bague. Tu n’en n’auras pas besoin, là-bas…

Un court instant, sous leurs pieds, la maison grince.

Agnès Chêne ( 2007)                  

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27 mai 2011 5 27 /05 /mai /2011 16:43

Le chant d'Holy Blue

 

 

Holy qui était  baleine bleue voulait écrire de la poésie. Une algue lui avait laissé entendre que ses mots tourmentaient les eaux, troublaient les courants, affamaient les océans. Coupable, Holy alla s'échouer sur le sable dans l'espoir d' y tracer une chanson silencieuse et connue d'elle seule. Le sable l'accueillit avec plaisir. Mais Holy avait de la peine à écrire son chant  avec ses nageoires lourdes, qui lui semblaient malhabiles et qui creusaient des trous au lieu de dessiner des notes de mots.

- " Voilà le sable livré à l'anarchie " crissa Bernard L'hermite d'un ton sec. Holy qui éprouvait de plus en plus de culpabilité, se démena pour faire des trous plus soignés jusqu' à oublier sa chanson.

Séléna qui avait tout vu, lui chuchota :

- " Une vie rêvée n'appartient à personne, l'eau de vent mêlée effacera tout de ton rêve. Ta chanson est faite pour les profondeurs, pas pour le sable, même s'il te porte, il aura vite fait de t'abandonner."

Holy écouta attentivement la voix de la lune. Elle offrit son chant aux vagues, qui depuis inlassablement murmurent sa soif d'amour et de poésie.

 

A.C

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26 mai 2011 4 26 /05 /mai /2011 16:16

A fleur d'eau

 

 

 

Il parlait vrai, unique, d'une voix ample, troublante et habitée dont le danger pourtant n' y était pas exclu. Ni la peur.

Il disait son enfance crachée entre deux pierres, dans l'anfractuosité grise d'une roche duale, perdue dans une solitude mousseuse et timide. Il n'était alors qu' un murmure, celui d'une hésitation à sortir, celui de la larme qui suit la larme, mais que personne n'entend, surtout pas les géants.

Et puis il y eut d'autres mots, plus rapprochés, plus charnus qui lui offrirent un peu d'espace, celui caressant les herbes des premiers temps, et celui de l'amour rose des libellules.

C'était le printemps, la communion avec la Nature, faute de mieux.

Une pente s'amorça, raide et rapide. La parole roula des cailloux brutaux, se colora d'un sable irritant puisé dans les profondeurs d'un temps rouge. Elle inaugura la rage, installant ses tripes en tourbillons pervers. Le mot portait son poids, cognait et repartait encore pour faire place à un autre, aussi rempli de force. Il fallait dire. Il fallait faire du bruit, exister. La vie le demandait.

Cela fit mal.

Mais le chemin s'élargit soudain, prit de la profondeur, une pente plus douce. Le fleuve buvait sa place, accueillait des hommes, des luttes, des caresses, des amours. Il parla moins, plus calmement, écouta.

Il gardait cependant quelques voluptés viscérales, quelques refus de dominance, quelques insultes rebelles, quelques nébuleux remous internes de honte, caché dans les roseaux. On l'entendait parfois crier la nuit.

Aujourd'hui, il coule effrontément offert à la nature, magistralement ouvert à la caresse de l'air, à la chaleur du ciel d'été, à la douceur des algues blondes de la rencontre.

 

Il a rendez-vous avec la mer. Pour chanter.

 

 

A.C

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28 avril 2011 4 28 /04 /avril /2011 16:26

Tuna et le pot de confiture

 

- Ce joli pot de confiture se moque de moi ! Tout là-haut sur son étagère, il pense qu'il est le plus fort ! Mais, moi, Tuna même si je n'ai que..., il ne sait pas à qui il a affaire...

Voyons, joli pot de cerises, comment pourrai-je t'attraper ? J'admets, tu mesures bien deux mètres ? et  je ne suis pas bien haute, mais je ne veux pas attendre d'être grande pour te déguster !

Bon, il me faut un tabouret...deux peut-être, un annuaire de téléphone et p't-être bien un escabeau. Avec ça, joli pot de confiture de mes rêves, tu ne pourras pas m'échapper !

- Caramel ! Laisse-moi tranquille ! Tu me chatouilles avec tes moustaches ! Est-ce que tu crois que c'est l'heure de jouer ? Voyons, le moment est grave...Aide-moi plutôt, va chercher Petit Scarabée, il est certainement dans le jardin avec Dimitri, nous avons besoin de renfort et d'outils.

Bon, tabourets en place...J'attends l'escabeau. Ah, te voilà enfin Petit Scarabée, je vais pouvoir poser l'escabeau sur les deux tabourets et l'annuaire par-dessus...J'y suis. Un effort, tendre le bras, je...je suis encore un peu loin, mais il manque si peu. Je vais y arriver ! Si seulement Caramel pouvait me laisser tranquille...Hop !  Ca y est, je suis sur l'étagère. Hum, je me régale déjà.

 

- " J'ai caché au fond du pot de confiture

le mois de juillet

mélangé la belle aventure

à l'azur en robe d'été

 

J'ai caché au fond du pot de confiture

les matins des cerises

les serments qui caressent

la belle allégresse qui nous grise

et nous enivre longtemps

 

Au fond du pot de confiture

tu retrouveras ton coeur d'enfant."

 

 

- Qui par.....rl........le ! Caramel, vite, j'entends une voix...Non, je rêve. Je ne dois pas me laisser divertir, Leila rentre bientôt. Surveillons les alentours...Je suis seule avec Caramel qui n'a de cesse de vouloir s'enrouler autour de mes jambes.

Zut !

Je n'arrive pas à ouvrir le pot ! Inutile de me regarder comme ça, Caramel. Toi non plus , tu n' y as pas pensé ! Est-ce que tu sais ouvrir les pots de confiture...comme celui-là ? Non ? Et tu sais pourquoi ? Parce que tu es un petit chat, malin, certes, mais ta maman ne te l'a pas appris...et moi, je suis obligée de redescendre pour aller chercher plusieurs grandes cuillères à la cuisine; au moins...cinq pour ouvrir et trois pour déguster...non, cinq pour ouvrir et mes dix doigts pour déguster...me dépêche. Caramel !...suis revenuuue, je vais te...hou...hou...montrer comment...hou...clac ! Il est ouvert...Caramel, si un jour tu as faim de confiture, tu vois comment tu peux faire.

Humm, un délice ! Leila est une magicienne et c'est grâce à Dimitri, notre super ami jardinier qui lui a révélé les secrets de la recette !

Personne ne fait les confitures mieux qu'eux ! Allez, encore une lichette, une bonne lichette, c'est trop bon ! Royal !

Viens, Caramel, lèche moi les doigts... je t'ai préparé un bol...

 

 "J'ai caché au fond du pot de confiture

les matins des cerises

les serments qui caressent

la belle allégresse qui nous grise

et nous enivre longtemps

 

Au fond du pot de confiture

tu retrouveras ton coeur d'enfant "

 

- Tu as entendu comme moi, Caramel... De quel coeur d'enfant parle-t-elle ? Je suis déjà une enfant et je ne peux pas tout manger en une fois. Comment  faire pour atteindre le fond du pot de confiture, et expliquer qu'il manque la moitié du contenu ? On saura que c'est moi. Que faire ? Devenir très grande ?

Non. Je vais trouver une autre solution.

Tuna regarde Caramel qui regarde Tuna .

- Tu ne m'en voudras pas, si je dis, que c'est toi qui as goûté la confiture, je te promets, ensuite, nous pourrons jouer ensemble autant que tu voudras. En attendant, il y a du bazarre, vite, remettre en place les tabourets, l'escabeau, laver les cuillères...

- Mais, qu'est-ce-que tu fais là, Tuna, toute seule dans la cuisine ? demande Leila arrivée dans l'entre-fait.

- C'est...Caramel a fait quelques bêtises, il a voulu jouer avec le pot de confiture...

- Je vois, il y en a partout ?!

- Tu vas...punir Caramel ?

- Bien sûr ! Il adore regarder la télévision, surtout les dessins animés. Eh, bien, il en sera privé pendant deux jours !

- Ben...mais moi aussi j'en serai privée.

- Tout cela à cause de Caramel. Passe donc à la salle de bain...

- Pourquoi ? Ce n'est pas l'heure du bain?

- Non, mais tu pourras enlever ces jolies traces de cerises sur tes lèvres, ton menton, ton nez...

- Allez, viens, Caramel, tu m'en veux pas, hein...? Nous allons bien trouver une autre idée pour percer le mystère qui se trouve au fond du pot de confiture...

 

 

 

......

 

 

- Caramel !  Je cours chercher Lilou. Elle nous aidera à porter l'échelle, et je pourrai descendre dans le pot de confiture...Dimitri est à la pêche, Leila au marché...C'est le moment ! Tu peux aller jouer dans le jardin, faire ta toilette au soleil...Je reviens...

- Caramel ! Où es-tu ?...nous sommes là, tu peux sortir de ta cachette...Lilou et toi , vous allez faire le guet, pendant que je suis dans le pot...Ah, te voilà...oh, toi, tu as chassé, t'as rapporté des plumes. J'aime pas, quand tu embêtes les oiseaux. Viens, petit chenapan ! Maintenant, installons l'échelle, Lilou...oh, hi...sse, oh...hisse...super !

- Si Leila arrive et que... t' es pas sortie

- T'as raison, Lilou, j'ai pas pensé à ça...euh...eh bien, tu lui dis que je suis partie rejoindre Dimitri à la rivière. Allons, vite, action...surtout, n'oubliez pas de refermer le couvercle, je frapperai trois fois pour vous signaler que je suis revenue.

 

-" Au fond du pot de confiture

tu retrouveras ton coeur d'enfant "

 

A.C

 

 

 


 


 

 

 

 

 

    

 

 

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26 janvier 2011 3 26 /01 /janvier /2011 17:05

 

In-ouï

 

 

 

 

 

" Ses cheveux sont si noirs si soyeux que la nuit on ne les voit plus, on les entend seulement comme un murmure de feuillages.

Et ses mains

Ses mains lisses s'écoulent comme l'eau vive, je les accueille dans mes paumes ouvertes et je me penche au-dessus d'elles

Comme au-dessus d'une fontaine pour boire les yeux fermés

Et ses lèvres sont une autre source fraîche

Et son corsage...Et son cou...ses s...

- Dis-moi Jauffrin, comment était-elle habillée, avait-elle un bracelet à son poignet, un bracelet bleu  et portait-elle une tunique argentée ?

- Yasusha, qu'as-tu fait de moi ; tu m'as fait entrevoir la source, à laquelle je ne boirai jamais. Tu m'as donné le goût de la source lointaine, à la quelle je ne pourrai certainement jamais me désaltérer."

 

Tous deux alors, nous nous mîmes à boire sur la terrasse; je ne saurais trop dire ce qui amena la conversation sur ce sujet mais Jauffrin sortit de la bibliothèque un ouvrage qu'li posa sur la table. Il me força presque à lire l'histoire que voici :

 

" Notre récit se situe à l'époque où les Yakas, petites tribus nomades, vivaient au nord des montagnes du Wind-king jusqu'aux rives des fleuves Oba et Dienisseï, à la recherche de nouveaux pâturages. Les sommets majestueux, couverts de neiges éternelles formaient une muraille infranchissable, d'une beauté pourtant indescriptible sous les rayons du soleil couchant. Le village se nichait sur un plateau vallonné, au centre de la vallée, des chemins pentus serpentaient autour d'une végétation luxuriante. Il neigeait en hiver pendant un mois, mais le reste de l'année le climat était doux, avec des pluies fréquentes. En mai, à la fonte des neiges, des torrents dévalaient des montagnes et se jetaient dans les deux grands fleuves qui coulaient au pied des pentes, les faisant régulièrement déborder. La vallée était inondée, mais les eaux n'atteignaient jamais le village. Le seul inconvénient  était que celui-ci ne disposait que d'une seule source d'eau potable. Cette unique source était enfermée sous un énorme dôme de pierres et de terre battue dont la clé était confiée à un Sage, qui en fermait la porte peu après le coucher du soleil et la rouvrait aux premières lueurs de l'aube, comme une légende qu'il garderait pour lui tout seul...Etait-il aussi Sage qu'il le racontait ?

 

Quand les portes étaient ouvertes, les villageois pouvaient quand ils le voulaient venir tirer de l'eau à la fontaine, mais chacun, du chef au berger, n'avait droit qu'à une seule jarre par jour.

L'entrée, très basse, obligeait les hommes et les femmes portant leur jarre à se baisser pour entrer; un escalier de pierres en spirale menait à la source; on distinguait à peine la douzaine de marches dans la pénombre. Le Sage se faisait gardien de cette source qui devenait sacrée aux yeux des viilageois. L'étrange obscurité de cette caverne de pierre d'où jaillissait l'eau avait quelque chose de religieux et l'air y était toujours glacial. Chacun respectait la quantité d'eau qui lui était réservée; il leur arrivait d'être tentés d'en puiser davantage, ils auraient pu passer outre l'adage car le Sage était aveugle, mais ils ne franchirent jamais le pas.

Une jarre ne suffisait évidemment pas  aux besoins en eau d'une journée, mais les Yakas continuaient de recevoir leur jarre quotidienne comme un heureux cadeau de la vie. Dans leur village, aucune querelle n'était venue troubler leur existence. L'égale répartition de l'eau de la source ôtait toute raison de se jalouser  ou d'envier les autres.

 

C'était vers la fin du mois de juin. La plus grande agitation régnait dans le village à l'occasion du retour du frère du chef après un long séjour dans une tribu Yaka de l'autre côté du fleuve Dienisseï. Vingt- huit années auparavant, alors qu'il n'était encore qu'un petit enfant, il avait été envoyé comme otage dans une autre tribu rivale, qui l'avait élevé parmi les siens. Depuis le matin, les hommes du village étaient occupés aux préparatifs du banquet, on avait décoré de fleurs partout  et jusqu' à la porte de la maison du grand chef.

Au coucher du soleil , le jeune homme entra seul dans le village, à cheval. Cette arrivée solitaire surprit , car l'on s'était attendu à le voir accompagné d'une nombreuse escorte, il portait juste arc et carquois dans le dos. dès qu'il mit pied à terre, les anciens du village l'entourèrent. C'était donc là l'enfant qu'ils avaient autrefois conduit sur les rives du fleuve Dienésseï et que maintenant ils admiraient.

Le jeune homme s'approcha de son frère aîné et le salua selon la coutume de sa tribu d'adoption. Il chercha ensuite ses parents , mais compris très vite qu'ils étaient tous les deux morts depuis dix ans. Un voile de tristesse passa sur son visage, puis il se redressa à l'arrivée du vieux Sage, gardien de la source. Le jeune homme s'approcha et répéta les paroles du vieil homme, qui venait lui faire vénérer la source, mais pour le jeune homme, le sage n'était qu'un vieillard stupide, sénile et impotent !

En premier lieu, comment pouvait-on adorer une source ? Dans le pays où il avait été élevé, l'eau coulait en abondance; un bras doucement incurvé du fleuve Diénisséï traversait le village et les sources étaient si nombreuses qu'elles servaient principalement à abreuver le bétail. La plupart des maisons possédaient leur propre  puits, et, si, l'on manquait d'eau, il suffisait d'en creuser un nouveau.

 

Il avait été habitué à adorer le feu. C' était la première fois qu'il rencontrait un peuple adorant une source. Le banquet lui parut soudain triste, il regretta la danse des ondulations lascives des jeunes filles de son village autour des flammes. La fête donnée en son honneur pour lui faire oublier les longues années passées en captivité n'avait aucun panache ; elle se termina d'ailleurs, rapidement, dans l'ennui, le laissant abasourdi et profondément déçu.

 

Le jour suivant, le conseil des anciens se réunit pour décider du rôle à attribuer  au jeune frère du chef de la tribu.

- Ne serait-il pas possible d'avoir un deuxième point d'eau ? demanda-t-il ?

Je sais d'expérience qu'une source souterraine est toujours reliée à d'autres. Nous pourrions essayer de forer non loin de celle-ci.

Les anciens n'avaient jamais entendu proférer un tel blasphème. L'un dit, qu'il regrettait d'avoir vécu aussi longtemps pour devoir supporter un tel sacrilège, un autre ajouta qu' une telle impiété allait soulever la colère divine contre tout le village. La séance fut aussitôt levée.

Trois jours plus tard, le conseil se réunit à nouveau. Le jeune homme, cette fois-ci, vint avec une nouvelle proposition : ne pourrait-on pas porter la ration d'eau par personne à deux jarres par jour au lieu d'une ?...

A.C

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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