Arbres - passerelles
Feuilles aux vents, branches tendues vers le ciel, les arbres se balancent comme des mâts au-dessus de la mer-forêt.
Les uns deviendront gabarres, les autres, piquets dans les estives ou tonneaux dans les caves. De leur chevelure vert foncé ou rouge feu, vert clair ou argentée, les bois farnientent sur des flancs vallonnés, pointillés de jaune floral.
Les chemins bondissent sur les flancs galbés. A la manière des rubans de satin, les drailles s'enroulent, tournent, bouclent, rebouclent et rejoignent l'horizon dans un nuage de poussière.
Guirlandes de terre et d'herbes sauvages dessinent des ombres galopantes à leurs chevilles d'écorce, contournent les sagnes, disparaissent jouant leurs gammes en souterraine ou flirtent avec l'entre-deux monde.
Des arbres.
Puis un arbre. Pas n'importe lequel. Un tilleul quelque part, témoin silencieux des jeux auxquels se livrent la terre et le ciel quand ils peuvent s'enlacer. Quenouille est son nom; il n'est pas majestueux comme peuvent être les autres tilleuls, parce qu'il a fort à résister, à faire, même à la belle saison et pourtant , il est plus que cela, quelles histoires porte-t-il en son coeur. Il est intermédiaire, sas, lieu de passage, lien, symbole vif du visible à l'invisible; il ouvre le printemps. Il ouvre l'automne.
La quenouille, nom qu'il doit aussi assumer comme signe du temps qui se déroule inexorablement, fil obtenu lorsque la quenouille est vide, fil dont l'existence est tissée. La quenouille, forme que l'on donne aussi à l'arbre fruitier, au geste simple, tableau bucolique, où les bergères filaient la laine à l'aide d'une quenouille. Dans un réceptacle était déposée la boule de laine. Et dans cette boule de laine, on pouvait y lire des histoires entre rêve et réalité, des récits d'hommes, de femmes, d'enfants, mis en partage au pied de ce tilleul magistral.
A.C