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24 décembre 2012 1 24 /12 /décembre /2012 23:25

 

« Lorsque l’enfant était enfant,
Il marchait les bras ballants,
Il voulait que le ruisseau soit rivière
Et la rivière, fleuve,
Que cette flaque soit la mer.

Lorsque l’enfant était enfant,
Il ne savait pas qu’il était enfant,
Tout pour lui avait une âme
Et toutes les âmes étaient une.

Lorsque l’enfant était enfant,
Il n’avait d’opinion sur rien,
Il n’avait pas d’habitude
Il s’asseyait souvent en tailleur,
Démarrait en courant,
Avait une mèche rebelle,
Et ne faisait pas de mimes quand on le photographiait.

Lorsque l’enfant était enfant, ce fut le temps des questions suivantes :
Pourquoi suis-je moi et pourquoi pas toi ?
Pourquoi suis-je ici et pourquoi … pas là ?
Quand commence le temps et où finit l’espace ?
La vie sous le soleil n’est pas qu’un rêve ?
Ce que je vois, entend et sens, n’est-ce pas…simplement l’apparence d’un monde devant le monde ?
Le mal existe t-il vraiment avec des gens qui sont vraiment les mauvais ?
Comment se fait-il que moi qui suis moi, avant de le devenir je ne l’étais pas, et qu’un jour moi… qui suis moi, je ne serais plus ce moi que je suis ?

Lorsque l’enfant était enfant,
Les pommes et le pain suffisaient à le nourrir,
Et il en est toujours ainsi.
Lorsque l’enfant était enfant,
Les baies tombaient dans sa main comme seule tombent des baies,
Les noix fraîches lui irritaient la langue,
Et c’est toujours ainsi.

Sur chaque montagne, il avait le désir d’une montagne encore plus haute,
Et dans chaque ville, le désir d’une ville plus grande encore,
Et il en est toujours ainsi.
Dans l’arbre, il tendait les bras vers les cerises , exalté
Comme aujourd’hui encore,
Etait intimidé par les inconnus et il l’est toujours,
Il attendait la première neige et il l’attend toujours.

Lorsque l’enfant était enfant il a lancé un bâton contre un arbre, comme une lance,
Et elle y vibre toujours."

 

Peter Handke


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2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 13:41

Qui cause ? Qui dose ? Qui ose ?

 

 

Si j'osais je dirais ce que je n'ose dire

Mais non je n'ose pas je ne suis pas osé

Dire n'est pas mon fort et fors que de le dire

Je cacherai toujours ce que je n'oserai

 

Oser ce n'est pas rien ce n'est pas peu de dire

Mais rien ce n'est pas peu et peu se réduirait

A ce rien si osé que je n'ose produire

Et que ne cacherait un qui le produirait

 

Mais ce n'est pas tout ça Au boulot si je l'ose

Mais comment oserai-je une si courte pause

Séparant le tercet d'avecque le quatrain

 

D'ailleurs je dois l'avouer je ne sais pas qui cause

Je ne sais pas qui parle et je ne sais qui ose

A l'infini poème apporter une fin

 

 

Extrait du recueil " Le chien à la mandoline "

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2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 13:02

L'appel à la joie


O toi, dont j'ai partagé la joie, viens !
Rends-moi la joie que je t'ai donnée
Depuis longtemps, depuis trop longtemps
Nous étions sur le versant de l'ombre
Mais la lune vient d'éclore
Déjà, sa clarté nous inonde.
.
.

Marguerite-Taos Amrouche

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2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 12:52

Ce que j'oublierai, c'est ma vie entière
La rue sous la pluie, le quartier désert
La maison qui dort, mon père et ma mère
Et les gens autour, noyés de misère
En partant d'ici, pour quel paradis ou pour quel enfer...
J'oublierai mon nom, j'oublierai ma ville
J'oublierai même que je pars pour l'exil

Il faut du courage pour tout oublier
Sauf sa vieille valise et sa veste usée
Au fond de la poche un peu d'argent pour
Un ticket de train, aller sans retour
Aller sans retour

 

J'oublierai cette heure où je crois mourir
Tous autour de moi se forcent à sourire
L'ami qui plaisante, celui qui soupire
J'oublierai que je ne sais pas mentir
Au bout du couloir
J'oublierai de croire
Que je vais revenir
J'oublierai même si ce n'est pas facile
D'oublier la porte qui donne sur l'exil

Il faut du courage pour tout oublier
Sauf sa vieille valise et sa veste usée
Au fond de sa poche un peu d'argent pour
Un ticket de train, aller sans retour
Aller sans retour

 

Ce que j'oublierais, si j'étais l'un d'eux
Mais cette chanson n'est qu'un triste jeu
Et quand je les vois passer dans nos rues
Etranges étrangers, humanité nue
Quoi qu'ils aient fuit
La faim, le fusil
Quoi qu'ils aient vendu
Je ne pense qu'à ce bout de couloir
Une valise posée en guise de mémoire...

 

 

Juliette

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2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 12:45

Une Pomme

Ses pépins pareils à deux oreilles
avec l’ouïe ronde, grandie sous la peau verte
qui écoutent la pluie et le vent
et le temps.
Qu’y aurait-il dans l’esprit de la pomme ?
Elle nous regarde, peut-être avec humilité,
elle nous pense, peut-être,
avec un grand orgueil.

 

Ion Pop, traduit du roumain par Stefana et Ioan Pop-Curseu

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2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 12:34

 


UN CERF-VOLANT EST UNE VICTIME

"Un cerf-volant est une victime dont tu es sûr.
Tu l'aimes parce qu'il tire
assez doucement pour te considérer comme maître
assez fort pour te considérer comme fou ;
parce qu'il vit
comme un faucon dressé, désespéré,
dans l'air doux aérien,
et tu peux toujours le ramener
pour le mater dans ton tiroir.

Un cerf-volant est un poisson que tu as déjà pris
dans une flaque où ne vient aucun poisson,
aussi tu le titilles soigneusement, longtemps,
et tu espères qu'il n'abandonnera pas
ou que le vent ne tombera pas..."

 

Léonard Cohen, Poèmes et Chansons II

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29 octobre 2012 1 29 /10 /octobre /2012 20:02
DOUCEUR


Je dis : douceur.

Je dis : douceur des mots
Quand tu rentres le soir du travail harassant
Et que des mots t'accueillent
Qui te donnent du temps.

Car on tue dans le monde
Et tout massacre nous vieillit.

Je dis : douceur,
Pensant aussi
À des feuilles en voie de sortir du bourgeon,
À des cieux, à de l'eau dans les journées d'été,
À des poignées de main.

Je dis : douceur, pensant aux heures d'amitié,
À des moments qui disent
Le temps de la douceur venant pour de bon,

Cet air tout neuf,
Qui pour durer s'installera.

 

( Extrait de " Terre à bonheur " )

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28 octobre 2012 7 28 /10 /octobre /2012 21:35

« Chaque mot est une écorce très dure, qui renferme en elle une grande puissance explosive ; pour trouver ce qu’il veut dire, il faut le laisser éclater en soi comme un obus, et libérer ainsi l’âme qu’il retient prisonnière. »
 
Nikos Kazantzakis

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7 octobre 2012 7 07 /10 /octobre /2012 13:29

Je suis là où la pluie commence,

Je suis là où la pluie finit.

Je suis la paix et le silence,

La source reflétant la nuit.

 

Ne me demandez pas pourquoi

Je vois les arbres me sourire

Les fauvettes fondre de joie,

Le ciel de juin s'approfondir,

 

Pourquoi je me sens comme un champ

Où dès l'aube déjà, l'on sème

Autant de joie que de froment.

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7 octobre 2012 7 07 /10 /octobre /2012 01:47

A travers les commencements

              

(…)

Pour le sentir présent nous n'avons plus à regarder l'arbre sur la crête : sans lui le ciel serait immense, il ne serait pas épanoui. Et ce poème, les heures qui suivent sa lecture ne nous sembleront inutiles que si nous l'avons lu distraitement.

Poèmes, lieux ou visages qui n'ont pas à séduire, ils rendent accueillants.

Que signifie le geste même de commencer ? Nous n'avons pas de trop de tout un poème pour que la question se ranime.

La voix commande, c'est elle qui choisit les mots en fonction de ce qu'elle a de plus singulier, l'ampleur ou l'étroitesse du souffle, l'accent, le rythme... Elle ne le fait pas pour s'en emparer : ils prennent chair comme elle prend chair. Et nous lirons leur poème comme si les mots venaient d'une langue étrangère que notre propre voix ne cesse de découvrir et de comprendre.

Lumière du poème qui ne s'inquiète pas de savoir s'il fait nuit, s'il fait jour.

Nous fier à l'acte de marcher ou de parler, nous fier à l'inconnu. 

Paroles de vie, quoi qu'il arrive. 

Ce que serre la paume et qu'elle réchauffe, ce que le caillou arrondit, il ne faudrait plus dire paume et caillou : le poème emploie les noms communs, qu'il rend nouveaux, méconnaissables, les noms de l'échange. 

Aussi rigoureuse que possible, l'association des mots d'un poème, rien ne semble laissé au hasard, mais ce qui fera qu'un lecteur y pénètre est imprévisible, plus imprévisible sa lecture. Elle ressemble au vent parmi les branches, l'arbre est immuable, toujours neuf. 

Poème plus lucide que nous, il a changé la cible en seuil. 

La marche a-t-elle engendré ce poème ? Il n'entretient aucun rapport avec ce que nous avons vu ou entendu, mais nous saurons qu'il a été mené à bien si nous retrouvons notre envie de marcher, si nous la retrouvons plus ardente. 

L'air à l'avant du poème aussi réel pour la voix, aussi rugueux, que pour la main l'écorce ou le grain des pierres. 

 


 

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