La couleur des robes de fille ne change pas.
Si nous les voyons en rouge, bleu, bleu marine, vert mais plutôt foncé, jaune or, jaunes, bleu ciel, c'est parce que nos regards traversent différentes couches que le temps perd sur son chemin.
La couleur des robes de filles ne change pas.
Un jour vient.
Un jour qui se glisse entre les maisons et dépose l'odeur de nos rivières le long des rues.
Sortez ! C'est le jour !
Sortez et vous verrez les filles.
Elles passent entre les bruits de la journée et les papillons blancs.
Elles sont en blanc. Les robes de filles sont blanches.
Blanc comme le mariage, comme la tristesse des Indiens.
Leurs robes sont légères, blanches décolletées.
Le décolleté profond comme le destin.
Mon chien fait le loup le jour des cloches de l'église.
Je fais le loup le jour des papillons et l'odeur des rivières.
Je sors et je suis le vent.
Au coin de la rue des Moulins un tourbillon de robes blanches et de papillons.
Une des filles a le visage que je ne vois pas, que je dois suivre.
Elle court, se retourne et rit.
Mes chiens la pourchasse et partent vers le pont. La robe blanche s'arrête sur le pont mais quand j'y arrive je ne la vois plus.
Mes chiens sont loin, sur l'île que la rivière forme avec ses deux bras. Je les entends.
La rivière curieuse, tourne encore une fois et s'attarde sous le pont.
- Où est-elle ?
Il n'y a pas de vague. Silence. Elle s'en va. Au loin je vois que sa surface bouge, les vagues, les mots partent avec le vent.
Elle sait. La rivière sait.
Mes chiens reviennent et courent les pattes dans l'eau vers la couronne d'écume sur la rive.
Je la trouverai, la fille en robe blanche
Gilles Ciloquin, Danser avec une étoile pour les loups
Editions Ruelle