Gaston Couté, chantre des gueux, des damnés de la terre, est né à Beaugency en 1880, lycéen il collabora à la Revue littéraire et sténographique du Loiret et au Progrès du Loiret. A 18 ans, il décide de partir pour Paris. Il se produit avec succés dans les cabarets de Montmartre et écrit dans des revues anarchistes.
La misère et l'alcool l'emporteront le 28 juin 1911.
Gaston Couté, selon Victor Méric, " flagellait les tartuferies, magnifiait les misères, pleurait sur les réprouvés et sonnait le tocsin des révoltes. "
Les textes de Gaston Couté sont faits pour être lus, dits...davantage pour la bouche que pour les yeux.
J'AI FAIT DES BLEUS SUR TA PEAU BLANCHE
J'ai gardé pour d'autres nuitées
Les doux bécots au coin des yeux
Et les mignardes suçotées
Au fin bout des seins chatouilleux ;
Cette nuit, pour passer ma rage
De ne pouvoir t'avoir longtemps,
J'ai fait l'amour comme un carnage,
En gueulant, griffant et mordant.
J'ai fait des bleus sur ta peau blanche
A grands coups de baisers déments :
Ton corps est un champ de pervenches...
Va trouver tes autres amants !..
Va les trouver, tes amants chouettes ;
Le petit crétin bien peigné
Ou le vieux birbe à la rosette,
Dont mon coeur a longtemps saigné !...
Va dévoiler devant leurs couches
Tes bras et ta poitrine ornés
Du bouquet de mes fleurs farouches,
Et fais-leur sentir sous le nez !...
Va les trouver l'un après l'autre :
Petit jeune homme et vieux monsieur...
Va les trouver pour qu'ils se vautrent
Parmi tes bleus qui sont mes bleus !
Et que ces bleus railleurs leur disent,
Avec mon amour éclatant,
Leur muflerie et leur sottise...
Et toi... .dis-leur d'en faire autant !
JOUR DE LESSIVE
Je suis parti ce matin même,
Encor soûl de la nuit mais pris
Comme d'écœurement suprême,
Crachant mes adieux à Paris...
Et me voilà, ma bonne femme,
Oui, foutu comme quatre sous...
Mon linge est sale aussi mon âme...
Me voilà chez nous !
Ma pauvre mère est en lessive...
Maman, Maman,
Maman, ton mauvais gâs arrive
Au bon moment !...
Voici ce linge où goutta maintes
Et maintes fois un vin amer,
Où des garces aux lèvres peintes
Ont torché leurs bouches d'enfer...
Et voici mon âme, plus grise
Des mêmes souillures - hélas !
Que le plastron de ma chemise
Gris, rose et lilas...
Au fond du cuvier, où l'on sème,
Parmi l'eau, la cendre du four,
Que tout mon linge de bohème
Repose durant tout un jour...
Et qu'enfin mon âme, pareille
A ce déballage attristant,
Parmi ton âme - à bonne vieille !
Repose un instant...
Tout comme le linge confie
Sa honte à la douceur de l'eau,
Quand je t'aurai conté ma vie
Malheureuse d'affreux salaud,
Ainsi qu'on rince à la fontaine
Le linge au sortir du cuvier,
Mère, arrose mon âme en peine
D'un peu de pitié !
Et, lorsque tu viendras étendre
Le linge d'iris parfumé,
Tout blanc parmi la blancheur tendre
De la haie où fleurit le Mai,
Je veux voir mon âme, encor pure
En dépit de son long sommeil
Dans la douleur et dans l'ordure,
Revivre au Soleil !...
A.C
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